On a dit sur nos ancêtres les Gaulois, tant de choses stupides, qu'il convient de tordre définitivement le cou à certaines idées reçues sont nous sommes prisonniers depuis la renaissance italienne.

Certains ont beaucoup vanté les bienfaits de la colonisations romaine, passant sous silence la brutalité avec laquelle ces bienfaits ont été imposés. On oublie généralement de dire que Rome introduisit en Gaule, l'esclavage et que durant cette période, les libertés ont été bafoués.

Tous les grands travaux, les monuments à la gloire de l'empire ou les édifices réservés à l'occupant comme les somptueux thermes de Royat et du Mont Dore, n'ont pas été construits par des Romains, mais par une foule d'hommes enrôlés de force dans les pays asservis. Une des premières mesures prises par Auguste, fut de placer la Gaule sous le signe religieux de l'autel de Rome et de pourchasser comme éléments subversifs, tous les druides.

Après la révolte Gauloise de l'an 21, Tibère déclara que tous les druides devaient être supprimés par "Sénatus Consullte". Sous le règne de Claude, c'était chose faite et on put proclamer la complète abolition du druidisme.

Non, les Romains ne nous ont pas apporté la civilisation. Le celticisme existait bien avant la fondation de Rome, et ce que la culture celte doit à la civilisation hellénistique, représente une part plus importante de son savoir et de ses croyances. On a dit que les druides parlaient et écrivaient le grec couramment et l'on sait que c'est à un sculpteur grec, Zénodore, qu'ils demandèrent d'élever, sur le mont Dumias, une statue gigantesquedu dieu Teutates, que les Romains prirent pour le dieu Mercure. Bien des réalisations de cette époque qu'on dit Gallo-Romaine, sont en réalité d'inspiration gauloise. Les Romains avaient l'art d'adapter à leurs propres besoins, la civilisation des autres.

En 52 avant notre ère, les arvernes ont été vaincus par les armes, mais ils ont survécu par l'esprit.

La langue celtique par exemple, n'à jamais cessé d'être parlée et elle a laissé dans notre propre langue, les traces que l'on sait. Des mots comme alouette, arpent, bec, bief, baril, char, galoche, lieue ou glaise sont entièrement gaulois.

En Arvernie, le nombre de noms de lieux d'origine celtique est considérable. Cesont les agriculteurs traditionnellement et farouchement attachés à leur terre, à leurs villages et à leur sources, qui ont marqué de leur langu, la toponymie de ce pays.

On sait que les gaulois n'écrivaient pas. Ils n'ont pas laissé d'oeuvre littéraires écrites, mais il existe une multitude de récits en proses : épopées, histoires mythologiques, souvenirs historiques, qui nous sont parvenus oralement à travers tous nos contes et légendes. Ces contes et légendes, comme d'ailleurs tous nos vieux dictons ou nos chants de chants de plein vent qui emplissaient, il n'y a pas si longtemps nos estives, nous en aprennent plus sur le peuple arverne que tous les historiens réunis. Ils nous rapportent la façon dont ils prenaient les choses, les gens, la vie. Ils nous dévoilent leur finesses, leurs astuces et leur art de la réplique.

L'écrivain Henri Pourrat, qui en a recueilli au siècle dernier, dans son "Trésor des contes", des milliers, pensait qu'ils exprimaient mieux qu'aucune oeuvre écrite, ce que furent les esprits, les sentiments et les rêves de nos lointains ancêtres. Et il en est de même pour les anciens jeux, comme le jeu de quilles, ou la Bourrée, l'antique danse Arverne que l'on pratique toujours dans nos campagnes.

L'art celtique a dû naître vers le Vème ou VIème siècle avant Jésus-Christ. D'abord symbolique probablement, un art très éléboré au service de l'imaginaire, du fantastique et des réalités invisibles, les motifs géométriques ancestraux : spirales, Triskel, entrelacs, cercles concentriques, croix celtiques, et tous les motifs décoratifs qui se développaient dans l'espace, telles de longues chevelures et qui ont indubitablement servi de modèles et inspiré au Moyen Age, nos orfèvres, nos enlumineurs et nos tailleurs de pierre lorsqu'ils sculptaient leurs chapiteaux ou les tympans de leurs églises.

La gigantesque explosion des formes celtiques se retrouve dans tous les édifices religieux construits en Gaule avant la Renaissance et beaucoup d'historiens pensent aujourd'hui que l'art médiévial est l'aboutissement en Occident, de l'art Celte, un art que la longue occupation romaine avait empêché de se concrétiser plus tôt.

Cet héritage de l'art celtique a été transmis aux bâtisseurs Arvernes par leurs homologues Irlandais qui venaient du collège druidique de Bankor, conduits par St Colomban, chargé par le pape Grégoire le Grand, de réorganiser en gaule les premières communautés monacales.

Ce sont eux qui inculquèrent aux moines d'alors, l'essentiel des traditions et du savoir faire celtique, ce qui explique que le modèle que prirent les bâtisseurs pour établir le plan de leurs abbayes, fut celui de la triple enceinte druidique, cette figure antique qu'on trouve gravée sur plusieurs dalles du Parthénon et qui représente trois carrés concentriques reliés par une croix. C'était la forme que les Celtes donnaient à la triple enceinte protectrice qu'ils élevaient autour de leurs sanctuaires.

Toutes nos églises romanes ont été édifiées sur des emplacements d'anciens lieux sacrés gaulois, selon les mêmes règles et les mêmes principes harmoniques, donc soumises aux mêmes influences telluriques et cosmiques.
Les dolmens ont laissé place aux autels, toujours érigés sur d'anciens puits druidiques.

Les quatres pierres dressées qui figuraient autour des dolmens, les quatre entités protectrices, aux quatre coins de la terre, et selon les quatre constellations cardinales du taureau à l'est, du lion au sud, de l'aigle à l'ouest et du verseau au nord, sont devenues les quatre piliers orientés autour de l'autel. Ceux-ci figurent maintenant les quatre évangélistes, Luc, Marc, Jean et Matthieu, dont les attributs sont justement le taureau, le lion, l'aigle et l'homme du signe du verseau.

Dans les cryptes de nos églises, la Vierge Marie a remplacé la vieille Damona celte mais toujours représentée assise, en majesté, un enfant sur les genoux. Ce sont nos vierges noires dont on dénombrait encore une soixantaine au siècle dernier en pays arverne.

Nos églises romanes et surtout les grandes basiliques du Port-d'Orcival, de St-Nectaire, d'Issoire, ne sont pas, comme beaucoup le croient encore, de simple constructions architecturales marquées par le style d'une époque et que les chrétiens utilisent pour célébrer leur culte, ce sont des lieux enveloppés, baignés de mystère, choisis de toute éternité pour être le siège de l'émotion religieuse, des endroits où le ciel et la terre se rencontrent, où déjà à l'époque druidique, des hommes et des femmes venaient pratiquaient leur culte et communier au divin.

Au XXIème siècle, que reste-t-il de l'héritage Celte ?

A la Renaissance, l'unité politique, économique et culturelle se fait comme du temps des Césars, à partir de la capitale, à partir de Paris,, nouvel Omphalos de la France, auquel, comme à Rome jadis, mènent aujourd'hui toutes les voies de communications.

Jusqu'à la fin du XIXème siècle, l'art officiel en Occident est classique, réaliste ou baroque. La musique est savante, la littérature académique. L'art roman, avec son côté fantastique et symbolique, est redevenu un art de barbares.

Il faudra attendre le XXème siècle pour retrouver le courant perdu et ce seront de nouveaux courants artistiques comme les surréalistes qui redécouvriront les richesses et les qualités culturelles du celticisme et qui ouvriront les voies de l'art contemporain, non seulement dans tous les domaines habituels d'expression mais aussi au cinéma, l'art des temps modernes par excellence.

C'est bien l'esprit de nos ancêtres les aulois qu'ont ressucité des films comme le mythe de Tristan et Iseut, les Visiteurs du soir de Prévert et de Jean Cocteau : l'Eternel Retour.

En ce début du XXIème siècle, alors que se réunifie l'Europe, ce n'est plus seulement sur la surfaces des étangs et des lacs que se reflète l'âme de nos ancêtres les Celtes, aujourd'hui, c'est sur tous les écrans de notre mémoire et dans tous les domaines de nos créativités, qu'elle ressurgit, partout, non seulement en Arvernie mais dans tout l'occident et toutes les contrées du monde qui portent encore des marques de leur lointaine action civilisatrice.

EX-VOTO SOURCE DES ROCHES A CHAMALIERES

Les illustrations originales sont de l'auteur.

L'héritage

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